SEIKO, UNE HISTOIRE

POMPIERS  STAND-BY  DURANT  EPREUVE RCI 

C’est dans des moments inattendus que se cachent souvent les malheurs et les  petits bonheurs Une règle qui s’applique aussi aux gens qui passent la moitié de leur vie sur des terrains de dressage.

Un tel moment m’attendait, le jour où je voulais passer avec “Seiko van Sapho’s hoeve” le RCI 1 sur le terrain du Canis Club Hooglede.. C’était une journée magnifique : ni trop chaude, ni trop froide, un temps sec, un bon terrain et l’organisation de l’épreuve était dans les mains d’un club réputé pour son hospitalité. Je me sentais bien. En plus, cette fois-ci, je présentais un boxer à nous. Pas le premier venu d’ailleurs. Ceux qui connaissent Seiko savent que ce n’est pas un chien facile. Il peut être doux et obéissant bien sûr, mais il est extrêmement têtu et dur, en plus, il possède une volonté d’acier.

Pour une éducation RCI , cela peut avoir des avantages mais il y a certainement des aspects négatifs. D’un côté on a vécu l’expérience où Seiko grimpait dans un saule pour chercher l’homme d’attaque qui s’était placé là. D’un autre côté j’ai senti la force de ses mâchoires lors d’un exercice simple dans lequel je le commandais, avec un peu trop d’insistance pour le coucher libre, sur un terrain mouillé. Utilisant un euphémisme : son éducation fut un challenge. Mais durant ces mois nous avons appris pas mal de choses : aussi bien Seiko que moi. Maintenant, le moment était venu de le prouver.

Les terrains de pistage se trouvaient le long d’un chemin avec pas mal de trafic. En soi, cela ne peut pas distraire un chien bien dressé : le problème n’était pas là. Au tirage au sort, Seiko avait reçu le numéro un, Il devait donc, en tant que Boxer parmi des bergers, commencer comme en premier le pistage. Ce qui inspira le juge, qui n’était visiblement pas convaincu des possibilités de notre race, à m’encourager par sympathie. Seiko , qui après son exploit dans le saule n’a pas su se débarrasser de son surnom “Psycho”, travailla sa piste impassiblement : lent, solide et correct. Les points était fort haut : je voyais que le juge regardait mon compagnon d’un air étonné.

En rentrant du pistage, je m’aperçu que le trafic était devenu plus dense. Pas mal de voitures freinaient pour mieux voir ce qui se passait sur le champ d’à côté. Normal : ce n’est pas tous le jours que l’on voit des hommes avec leurs chiens parcourir les champs autrement déserts. Toutefois la situation ne me plaisait pas. Un trafic assez dense, des chauffeurs curieux, nos voitures avec les chiens des deux cotés du chemin, des conducteurs et des spectateurs qui se promenaient entre les voitures. Mais bon : j’étais content du travail que Seiko avait montré et je voulais retourner au plus vite afin de voir les autres chiens travailler.

Nous étions un petit groupe assez près du chemin, tandis que les autres conducteurs et leur chiens se trouvaient plus loin sur le terrain pour chercher le départ de leurs pistes. Il y régnait l’atmosphère nerveuse et tendue dans laquelle tout le monde attend le résultat de la première épreuve et essaie de se calmer les nerfs en parlant d’un ton bas. Le terrain était quand-même plus difficile que l’on avait pensé : le travail des chiens était fort inégal ce qui se fit ressentir  dans les points. Dans un de ces temps morts, où un berger belge cherchait un angle, très loin sur le terrain, nous étions tournés vers nos voitures dans lesquelles plusieurs chiens aboyaient l’un contre l’autre. C’est alors que les événements se succédèrent très vite.

La totalité de la séquence ne peut avoir dépasser dix secondes. L’action même pourtant semblait se dérouler au ralenti. Nous voyons une Mercedes qui s’approche assez vite de nous. Le chauffeur regarde ce qui se passe sur le champs à côté. En même temps nous voyons que la voiture qui le précède a fortement ralenti… Je me souviens d’aucun bruit à ce moment, uniquement cet image glissante. Au moment où la Mercedes s’approche de l’autre voiture, le chauffeur remarque ce qui se passe. Il freine de toute ses forces et tourne brusquement le volant pour éviter la collision. Sa voiture  passe devant nous, glissant en direction de nos voitures avec les remorques où sont installés nos chiens. Ma bouche s’assécha et dans un court laps de temps je  réalise que ma voiture avec Seiko dedans, se trouve de l’autre coté du chemin. De quelques dizaines de centimètres la Mercedes dérapant toujours rate les remorques avant de s’enfoncer d’un bruit fracassant, dans la première voiture garée de l’autre côté du chemin. Celle-ci rebondit, et il s’en échappe un nuage de vapeur. Le silence…

Un moment presque irréel, personne ne parle, les chiens n’aboient plus. Alors, tous ensemble , au même moment, nous avons courus vers les deux voitures. Le chauffeur était encore derrière le volant , sérieusement confus mais pas blessé. Personne d’ailleurs, n’ était blessé, les voitures par contre…n’étaient pas belles à voir. Les remorques étaient toujours là où elles étaient quelques minutes auparavant : aucun chien n’était touché. Mais il eu fallu d’un tout petit rien … . Entre-temps le juge , le coordinateur de l’épreuve et le participant qui étaient tous bien loin dans le champs et qui n’avait entendu que les fracas, étaient arrivés et eux aussi pouvaient se rendre compte de ce qui aurait pu arriver si la Mercedes s’était enfoncé non sur la voiture garée , mais sur nos remorques.

Il nous fallut plusieurs minutes pour  réaliser que la voiture qui avait absorber le coup n’appartenait pas à un de nous. C’était une voiture privée qui s’était garée là un quart d’heure plutôt et qui appartenait à deux pompiers en uniforme. Ils présentaient, de maison en maison,  leurs calendriers! Bien qu’ils n’étaient pas en service commander à ce moment, ils nous rendirent un très grand service. Le regard qu’ils portaient sur cet événement  étaient bien différent du nôtre. 

Beaucoup de métal craqué, mais pas de blessés : ni homme, ni chien. Mais le sentiment que nous étions passé très près d’une catastrophe, resta sur nous toute la journée et donc aussi pour  la suite de l’épreuve. A de tels moments on sent plus fort que d’habitude, ce qui est vraiment le noyau de notre sport : le lien avec ce chien ,  qui se développe durant des mois,  des années, que l’on partage ensemble. Sur les terrains, bien sûr – mais beaucoup plus important : en dehors des terrains de dressage. On  réalise en même temps quel privilège nous avons à pouvoir vivre avec ce boxer, dont un instinct profond le destine à travailler avec nous,  si seulement nous savons le comprendre.

En tout cas , cette histoire n’a pas toucher Seiko : dans l’après midi il a réalisé un exercice d’obéissance décent et un excellent exercice de défense. Toujours dans sa manière à lui : plein de conviction et avec plaisir. Depuis ce jour, il peut s’inscrire dans le régiment des Boxers RCI.

Mais tous les conducteurs qui ont vécu cette épreuve-là, savent très bien que le lien qui les unit avec leurs chiens, est bien plus important que l’obtention du certificat. Test, épreuve, expo… c’est très bien, mais ce n’est toujours que conséquence , jamais la source ! Je sais bien que cette idée est très légère et qu’elle nous échappe facilement dans le travail de tout les jours. Mais quand-même, avec un peu de “bonne” volonté on pourrait qualifié un tel choc comme ce jour là, comme un petit bonheur qui accompagne le Malheur.

Ingmar Sioen

Ps : en remerciant les Pompiers pour leur coopération involontaire, mais fortement appréciée.