URSU

“Grand Prix de Belgique RCI 2002”

Le “Grand Prix de Belgique RCI” est une organisation annuelle de la Société Royale Saint Hubert. Le concours se joue en RCI III et est ouvert à toutes les races de travail. Un maximum de 20 concurrents est autorisé à participer. La sélection pour le Grand Prix est une performance en soi. Les critères de la sélection : réussir au moins 5 épreuves RCI III sur lesquelles le CAC et/ou CACIT est décerné, avec un résultat minimum de 80/70/80. Les résultats doivent être obtenus en une seule saison et dans au moins trois provinces différentes. Un des résultats doit obligatoirement être obtenu sur une épreuve RCI-CAC Spéciale, desquelles il en existe que deux par saison.

Les compétitions CAC-RCI sont celles qui sont décisives pour l’attribution du titre “Champion de Travail”. A ce niveau là, seul la classe III est en jeu : il s’agit de vrai sport canin de haut niveau. La discipline RCI à ce niveau est dominée par les races de bergers. Jusqu’en 1992 il existait une dominance des bergers allemands. A partir de cette date les bergers belges et plus particulièrement les malinois, ont pris leur place. Sur la longue et prestigieuse liste des gagnants du Grand Prix, figure 1 Beauceron (race berger, également), 1 Doberman et 1 Rotweiler. Tous les autres gagnants sont soit des bergers allemand soit des bergers belges.

Aucun Boxer n’a jamais réussi à se qualifier pour la participation au Grand Prix – jusqu’à 2002.

“URSU” est né le 24 août 96 d’une combinaison de Sultan van Sapho’s Hoeve et de Sabrina van Sapho’s Hoeve. Il était le seul mâle dans une nichée élevée par des particuliers et les premiers six mois de son existence n’étaient pas particulièrement prometteurs. Sa vie officielle débutait avec une amputation grammaticale dans les offices Bruxelloises où “Ursus” fut transformé en “Ursu”. Puis, en collaboration étroite avec sa mère, il réussit à perturber la vie quotidienne de son éleveur/propriétaire à un tel point que celui-ci, dans un dernier espoir de sauver une partie de son mobilier antique et l’équilibre familiale, vînt nous le proposer. Ainsi le fils fauve de Sultan, un baril à poudre de six mois, se retrouva dans les mains d’Ingmar. Une histoire était née.

En 1996, l’année de naissance de Suus – rebaptisé pour des raisons de simplicité -, Ingmar participait avec Sultan pour la première fois au concours Weltmeistershaft Atibox; concours qui fut joué à cette époque selon les règles du programme Schutzhund. A Hagen (Allemagne) ils manquèrent d’un seul point le podium SchH.I : ils finirent quatrième. L’année suivante, à Castano Primo (Italie) participant en SchH.II ils réussirent à accéder au podium à la seconde place. Entre-temps Suus se développait en mâle de taille moyenne avec une construction carré, plus léger que son père, et donc plus rapide, plus agile. Il était vif comme l’éclair et dans ses yeux noirs et éveillés on remarquait souvent un regard que je ne peux décrire que comme “ sérieux” – je n’avais jamais remarqué un tel regard chez un mâle si jeune. Il était également plus introverti et plus dur que son père. « Plus introverti », ne pas étonnant puisque Sultan, malgré une jeunesse et adolescence fortement perturbée (ce qui constitue une autre histoire), était un boxer au caractère très ouvert. Mais « plus dure » que son père, voilà quelque chose de difficile !

Dès le début Ingmar avait considéré Suus comme le ‘Dauphin’. Pourtant il lui laissait ses cabrioles et bêtises de jeunesse : son éducation était conséquente mais très simple et surtout très variée.

L’année 1999 devrait devenir l’année de Sultan : il était à la fleur de l’âge et au maximum de ses capacités en tant que Boxer de compétition.  A l’Atibox-WM de Bonn (Allemagne) il entrait dans la compétition en SchH.III et il finissait huitième. Durant l’automne il participait, au Championnat du Club du NBC (le Boxer Club Néerlandais). Il pleuvait et il faisait froid à Lelystad ce jour-là. Sultan participait en RCI III. Ils gagnaient et Sultan fut le premier Boxer à obtenir le titre de “NBC Clubwinnaar”. Jusqu’à ce jour il est le seul à avoir obtenu ce titre. En retournant Ingmar avait décidé d’arrêter la carrière sportive de Sultan sur un point culminant, une victoire classique. Il avait raison : même à ce jour je ne sait pas ce qui me faisait le plus plaisir, le titre ou sa décision.

1998 et 1999 furent des années clef : ses méthodes d’entraînement furent depuis plusieurs années plus “douces” et plus raisonnées que celles que l’on pouvait observées sur la plupart des terrains de dressages. Dés lors il choisit résolument une méthode qui se basait sur les expériences et les idées de Karen Pryor. L’entraînement de Sultan avait encore été un mixe, celui de Suus était déjà plus cohérent – bien que la méthode de Pryor n’était pas quelque chose d’achevée et n’avait encore jamais servie à entraîner un Boxer en compétition RCI.

Au printemps de ‘99 Suus avait réussi, avec quelques mois d’intervalle, son RCI I et II. Le pointage était stable à 276/275, comme l’était aussi le résultat en défense, deux fois 96. L’entraînement devint plus soutenu.  Le but principal de l’année 2OOO fut la participation au WM-Atibox, de nouveau organisé à Castano Primo. Le Weltmeistershaft que les italiens continuaient obstinément à afficher comme Campionato Mondiale, jusque dans les carnets de travail. Suus était inscrit en SchH.II. L’obéissance (84) et la défense (94) ne posaient pas de problèmes majeurs mais l’épreuve de pistage résultait en fiasco flagrant. Ingmar savait que le pistage était le point faible de son chien, n’empêche qu’il lui fallu quelques temps pour se remettre et pour trouver une solution. En tant que membres de la Vieille École du Boxer, nous avions beau dire qu’il valait mieux échouer en pistage qu’en défense : pour les gens du sport canin, cette conviction n’avait pas de sens du tout. L’année 2000 n’était d’ailleurs pas perdu : Suus obtint son certificat RCI III avec un total de 278 points, 98 en défense et 95 en pistage. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas.

Le planning pour 2001 était diversifié. D’abord une période de préparation pour participer à l’Atibox-WM en Slovaquie, puis quelques mois de repos et finalement une nouvelle période d’entraînement soutenu pour un concours pas encore déterminé à l’automne. En avril 2001 Suus participait à la compétition Atibox, organisé à Vrbové, en SchH III. Ce fut la cinquième participation consécutive d’Ingmar à cette compétition la plus haute au niveau du Boxer. Il y a deux ans il avait participé avec le père de Suus en classe III, mais la mémoire de l’échec sur la piste en 2OOO restait un cauchemar. Cette fois-ci pourtant pas d’erreurs fatales : 91 en pistage et 87 en obéissance. La dernière épreuve, celle de la défense fut commentée par le juge allemand, Wolfgang Karle, comme « impeccable » : 100 ! Avec un résultat final de 278 Suus égalait sa meilleur performance absolue et finissait quatrième à trois points du podium. Évidemment, c’était le maximum en défense – une rareté à ce niveau – qui déclencha la fête.

Le premier but atteint, Suus pouvait se reposer et jouir de l’été, ce qui ne fut pas le cas d’Ingmar. En dehors de son travail quotidien dans le chenil et la pension, il devait s’occuper de son club RCI, des stages d’entraînements et des expositions. En plus il avait accepté quelques Boxers pour les préparer pour certificat RCI 1. Je peux comprendre pourquoi quelqu’un aime travailler son boxer et je comprends également qu’il veuille participer à des concours entre boxers – quand tout va bien. Je comprends, mais personne ne pourrait m’accuser d’enthousiasme. Si toutefois la compétition dépasse les frontières du monde boxer, ma compréhension est réduite à zéro. Là, on entre dans un domaine où les coutumes et les normes ne sont plus les nôtres, mais ceux des bergers et de leurs gens. En tant qu’homme du Boxer il faut mieux éviter ce monde étrange. Mon opinion. Mais pas celle d’Ingmar.

Depuis des années il était actif, soit en tant qu’homme d’attaque soit pour entraîner   ses  propres boxers dans toutes sortes de clubs RCI, répandues sur tout le territoire. Adresser jour après jour les malentendus et les préjugés concernant le Boxer, est fatiguant et n’a guère de résultat. Ajoutez y le dégoût, rapidement croissant, des méthodes entraînement stéréotypés, jamais mises en question et exécutées d’une manière presque automatique. Et voilà que sa décision était prise : il fallait qu’il prouve qu’un Boxer proprement entraîné était capable d’atteindre le plus haut niveau – sans excuses. Et comment pourrait il mieux imposer son point de vue qu’en essayant de faire sélectionner un Boxer pour le Grand Prix de Belgique RCI toutes races

Dans ce raisonnement il était encouragé par quelques personnes de la Section 1C, des gens du monde du berger évidemment : le RCI traversait une période difficile et la participation d’autres races pourrait être intéressante, ne serait ce que pour l’augmentation des inscriptions et pour prouver une fois de plus la supériorité des bergers allemands et belges. A la maison cette démarche ne nous plaisait pas du tout et les disputes devenaient de plus en plus malsaines : depuis cette période-là les portes ne ferment plus comme il faut. Finalement nous devions nous incliner : c’était sa décision. Il fallait respecter son choix mais au fond tout ce que nous espérions c’était qu’il ne se brûlait pas trop les doigts.

Le premier concours CAC RCI se déroulerait déjà fin août à Sole sur Sambre. Suus avait maintenant cinq ans : fort, vif et alerte. Il était un Boxer SchH.III/RCI III, chien de compétition avec une vaste expérience d’entraînement mais seulement six concours à son actif. Six concours sur six terrains différents : 1 RCI I, 1RCI II, 2 RCI III, 1 SchH.II. et 1 SchH.III. A ces six concours au total 12 juges avaient officiés. Dans le cercle des Boxers de compétition, il était considéré comme un des meilleurs, certainement après son exploit à Vrbové. Mais était-ce suffisant pour entrer dans une compétition de longue haleine où les concours CAC se succédaient, une compétition qui était énervante même pour les durs habitués du monde des bergers ? Je savais que la relation entre Suus et Ingmar était plus que solide, mais je savais également que chacun et chaque chose à son point de rupture. Bref : nous nous faisions du souci.

Ceci dit, le premier concours se passa bien : 265 points, 97 en défense. Moins de deux mois plus tard le deuxième concours se déroulerait sur les terrains de ASC Lobbes : concours CAC/CACIT. En d’autres mots : un concours où le gagnant obtient un certificat pour accéder aux titres de Champion de Travail National et International. Inutile de dire que la concurrence est acharnée et que la critique du jury est sagace. Le verdict pour Suus : réussi avec un total de 258 points. Ce que Ingmar ne savait pas à ce moment est que ce concours ne compterait pas pour sa sélection. En pistage Suus avait obtenu 79 points, ce qui est largement suffisant pour réussir le concours. Mais ! Pour valider un concours, concourrant pour la sélection du Grand Prix, il est stipulé qu’en pistage il faut obtenir au moins 80 points. Ce point unique qu’il manquait à Lobbes aurait de grandes conséquences au printemps 2002.

De toute façon, même si il avait été mis au courant le jour même, Ingmar n’aurait pas eu le temps de s’énerver puisque début décembre le concours suivant se présentait déjà. Le résultat total à Geel, où se déroulerait ce concours CAC-RCI, était exactement le même qu’à Lobbes sauf que les scores individuels était partagés différemment : 85/80/93, signifiant réussite et validation.

Ce fut un répit avant que les sombres semaines de la fin d’année arrivent. Non pas à cause des fêtes mais parce qu’en cette période il n’y avait pas de concours sur le calendrier sportif. Quelle était donc la situation à Noël 2001 ? Participation à trois concours CAC dans un délai de trois mois et en trois provinces différentes. Trois réussites. Le déroulement de la présélection se présentait donc aussi bien qu’on pouvait le souhaiter sauf qu’Ingmar, à ce point, ne savait toujours pas que le deuxième concours ne serait pas validé. Évidemment, la question si les résultats obtenus seraient suffisants pour la sélection définitive, resterait ouverte jusqu’après le dernier concours. On savait déjà que ce serait tout juste.

Suus avait maigri, ainsi qu’Ingmar. Si nous nous faisions des soucis, Ingmar aussi – mais pour d’autres raisons. Le travail de Suus commençait à montrer des hésitations. De petites choses, des ruses vraiment. Durant un concours il est presque impossible de corriger. N’importe quel chien comprend très vite cette situation, certainement un Boxer. Puisque les concours se succèdent si vite il ne reste guère de temps pour se concentrer, à l’entraînement, sur ces détails. D’ailleurs cela n’aurait pas de sens : on ne sait jamais s’il ne se produiraient pas des répercutions dans une autre partie du travail. Conclusion : il fallait vivre avec les petits trucs boxers.

Ceci créait une toute nouvelle situation aussi bien pour le Boxer que pour son conducteur. Jusqu’à ce moment, Suus avait participé à deux concours par an, maximum. Après chaque concours, l’entraînement pourrait se faire patiemment et concentré, le chien étant habitué à ce rythme-là. Maintenant c’était différent. Ingmar, lui avait l’habitude de travailler avec 1 boxer vers 1 concours spécifique. Ou bien il s’agissait de Boxers qu’il entraînait pour réussir une seule fois un concours RCI I – obtenant ainsi leur certificat pour entrer en classe travail ou pour faire homologuer leur titre de Champion de Beauté -, ou bien il s’agissait de ses propres boxers de compétition, Sultan et/ou Suus. Les deux situations impliquaient la même structure d’entraînement, travaillant patiemment durant des mois vers un seul objectif, un seul concours.

Dans la nouvelle constellation, les priorités étaient tout à fait différentes. En premier lieu, il fallait que le chien aussi bien que son conducteur reste sain et en pleine condition : une simple blessure ou une infection banale pourraient signifier la fin précoce et définitive du projet. Deuxièmement, il fallait que la relation de confiance entre chien et conducteur reste intacte à tout prix : la moindre brèche dans cette relation aurait les mêmes conséquences qu’une blessure physique – voir pire. Il ne s’agissait donc pas uniquement d’une performance prolongée à un échelon élevé, mais d’une véritable épreuve d’endurance dans les domaines physiques et psychologiques : aussi bien pour le chien que pour l’entraîneur. Il est d’ailleurs facile d’oublier que non seulement les concours mais également les entraînements se situaient en majorité dans l’automne et l’hiver, c’est à dire dans le froid, le vent et l’humidité. Et par leur nature les races de bergers sont mieux équipées pour ces conditions-là qu’une race à poil court comme le Boxer.

Janvier 2002 : Le Grand Prix de Belgique se déroulerait fin octobre, l’Atibox-WM par contre aurait lieu déjà au printemps. Cette fois ci à Benicarlo, un centre touristique à la Côte d’Alzahar entre Barcelone et Valence, fréquenté en masse par des allemands.

Ingmar devrait encore participer à, au moins, deux CAC-RCI. Il doutait, mais inscrivait Suus quand même pour l’Atibox, classe III.

A peine guéri des indigestions du Nouvel An, un nouveau concours se présentait : Grâce- Hollogne. Il faisait terriblement froid dans la province de Liège, fin Janvier. Ce concours n’était d’ailleurs pas un “apéritif” : il s’agissait d’un concours CAC/CACIT auquel on avait donné le statut de “Spéciale” – épreuve obligatoire donc, avec 4 juges. Quand ils revint tard le soir de ce concours, ils étaient engourdis par le froid et tendus comme des névrotiques. Pourtant ils avaient réussi : 84/73/94. Après deux jours ils s’étaient dégelés et nous pouvions à nouveau adresser la parole à Ingmar. « Oui », il était content des disciplines pistage et défense et « oui », sa crainte quant à la partie obéissance s’était confirmée. Des petites fautes s’accumulaient, rien de grave en soi, mais des fautes qui au niveau d’une Spéciale, où le quartet des juges faisait son travail avec une loupe d’un côté et le crayon rouge de l’autre, étaient pénalisées sans pardon. Le fait qu’avec 1 Boxer parmi une trentaine de bergers on pourrait passer avec le même degré d’anonymat qu’un chat perdu dans un bocal de poissons rouges, n’aidait pas non plus. Ces petites fautes pouvaient facilement être corriger mais il ne restait pas de temps : le week-end suivant un autre concours CAC était marqué sur le calendrier, celui du Kynosclub Heule. Normalement ce serait le cinquième et dernier concours pour Suus dans la présélection. Ingmar savait qu’avec les points obtenus jusqu’à ce point, ils figuraient sur une liste provisoire – mais tout juste. Une question de quelques points : une seule erreur majeur dans n’importe quelle exercice et tout était fini. Cette semaine là il décida de ne pas s’entraîner du tout. En revanche ils allèrent se promener à plusieurs reprises sur la plage déserte et hivernale de Lombardsijde. Décision sage : le concours de Heule fut meilleur que celui de Grâce- Hollogne. Résultat : 87/88/90, une performance solide.

Ce soir-là on aurait pus être tous content. Le dernier concours de la présélection réussi, plus de stress, un mois de repos pour Suus, Ingmar qui pourrait se détendre – et il restait encore du temps pour se préparer pour l’Atibox.

Si les points se montraient suffisants et s’il ne se passait pas de malheurs, à la fin de l’année il y aurait la participation au Grand Prix.

Méfiez-vous de ces moments, il ne sont qu’apparences trompeuses : ce jour-là, après le concours, Ingmar apprit que son deuxième concours de la présélection ne serait pas valider à cause de cette unique point manquant (79) en pistage. On n’en croyait pas les oreilles. Pourtant c’était comme ça et on n’y pouvait rien : le verdict venait d’être prononcé.

Concrètement ce barbillon réglementaire signifiait qu’ils avaient besoin d’un résultat supplémentaire, ou …qu’ils s’arrêteraient là. Alors ils pouvaient se concentrer à 100% sur le concours Atibox. Pour nous autres le choix était vite fait, mais pour Ingmar les choses ne se présentaient pas si simplement. Il s’était fixé comme but d’amener enfin, pour la première fois dans la cynologie belge, un Boxer dans la sélection du Grand Prix de Belgique. Ils travaillaient maintenant depuis presque sept mois vers ce but. Blood, sweat & tears… certainement, mais ils avaient une chance réelle. Pourraient ils abandonner à ce stade, si près du but ? Je suis sur qu’il y a pensé. Je suis même convaincu qu’il voulait passer tout son projet sous silence.

En fin de compte, qu’est ce qu’il avait à perdre pour lui ou pour Suus ? Rien du tout. Ils avaient réussi les cinq concours RCI-CAC dans lesquels ils avaient participé, y compris un CACIT et une SpécialeMais le fond du dilemme était précisément là. Il ne s’agissait pas de lui, il ne s’agissait même pas de Suus : il voulait que sa race, le Boxer, soit sélectionné pour entrer dans la compétition RCI la plus prestigieuse en Belgique. C’était ça son but final et par conséquent il n’avait pas d’autre choix que de continuer.

Au calendrier sportif il y avait encore un seul concours qui n’intervenait pas avec le calendrier des expositions : le 7 avril à Werchter, 19 jours avant le début de l’Atibox. Suus fut inscrit à Werchter, bien qu’il était évident pour chacun qu’il avait besoin de repos – ainsi qu’Ingmar d’ailleurs. A vrai dire, c’était un concours et une décision de trop. Inutile de dire que le résultat de Werchter était le pire de toute la série – mais suffisant, une fois de plus, pour réussir et pour être validé. Après Werchter on ne pouvait rien d’autre qu’attendre la liste officielle des points de tous les participants.

Entre-temps la question se posait : que faire avec le concours Atibox ? Entre Noël et le Nouvel An Ingmar et Vicky s’étaient rendus à Béni Carlo enfin de trouver un hôtel et d’obtenir une idée du stade et des terrains de pistage. Tout était déjà réglé. Mais pour nous il était clair que Suus aussi bien que son conducteur se trouvaient dangereusement près d’un burn-out. Ingmar hésitait. Il était impossible de restaurer la condition de Suus dans un délai de seulement quinze jours : ni physiquement ni psychologiquement. Le même argument était valable pour Ingmar et il le savait. Seulement : savoir et admettre sont deux choses différentes. En outre, dans le dernier concours Suus s’était blessé sérieusement en manquant brutalement un des sauts : il continuait à boiter. Finalement la décision logique fut prise : pas de participation à Bénicarlo. Ingmar prit la décision tout à fait à contre coeur : après cinq participations consécutives (une fois sans succès, une huitième, deux quatrièmes et une deuxième place) l’ATIBOX-WM était devenu “son concours”. On ne laisse pas passer une nouvelle chance sans raison sérieuse.

Une fois la décision prise, la tension disparue. Suus avait tout l’été pour se remettre et si le résultat de la présélection était favorable, il pourrait se préparer pour le Grand Prix en automne.

L’inscription pour le Grand Prix, à base des 5 résultats CAC-RCI, clôturait le quinze mai. Suus pouvait présenter cinq résultats dans cinq provinces différentes : Hainaut, Flandre Occidentale, Le Brabant, Anvers et le Limbourg. Deux mois plus tard une lettre de la Société Royale Saint Hubert était délivrée par la poste. Suus et Ingmar furent invité par la SRSH à participer au Grand Prix de Belgique RCI Toutes races 2002. C’était donc un fait : pour la première fois un Boxer était sélectionné pour participer au Grand Prix de Belgique RCI.  Cette lettre figure encore toujours sur son bureau , à juste titre d’ailleurs : il s’agit d’une lettre de noblesse, non seulement pour lui et pour Suus, mais pour le Boxer. 

Entre-temps la blessure de Suus était guérie. Sa condition à nouveau tiptop grâce aux longues promenades dans le sable, il montrait une avidité renouvelée pour le travail sur le terrain. Juillet et Août sont des mois durant lesquels le travail dans la pension prend beaucoup de temps tandis que le mois de septembre est traditionnellement consacré aux grandes rencontres européennes de Boxers. L’entraînement se faisait au moments tranquilles – bien que “tranquille” dans un chenil de Boxer est une notion relative. De toute façon : Suus n’avait pas besoin d’entraînement forcé, le but principal étant déjà atteint – la sélection. Quant au classement, ils ne devaient pas se faire d’illusions : l’important était de participer et de réussir une performance aussi belle que possible.

« Le Grand Prix de Belgique RCI toutes races 2002 » fut organisé, le 2O octobre, par HV Witven sur ses terrains à Beerse. Les jours précédents cette date la fièvre montait. Il ne me semble pas une pensée agréable de savoir que le Beau Monde du RCI vous observera de près – non pas parce que vous constituez une menace pour une place d’honneur mais à cause du simple fait que vous êtes là, avec un Boxer sur leur domaine. Suus n’avait pas de problèmes avec cette situation, mais Ingmar malgré son expérience trouvait celle-ci d’autant plus stressante. En partant il avait l’air pâle, très pâle. Heureusement que Vicky était là pour amortir les plus fortes vagues de nervosité. Le jury du concours fut composé de trois juges –  Mrs. Leclercq, Van Londerzeel et Van de Poel – supervisé par le Président de la Section 1C, Mr. Alfons van den bosch et le Délégué de la S.R.S.H., Mr. Thibault.

La liste finale des participants se composait de 18 combinaisons dont 15 étaient effectivement présentes au concours : 6 Bergers allemand, 8 Malinois et 1 Boxer. Les jugements se faisaient très précisément et selon les petites lettres du règlement – comme on l’attend à un tel concours.

Ce soir-là trois Malinois monteraient le podium du Grand Prix :

1er : Geert Verlinden avec Utamarou des deux pottois. Cette combinaison était déjà victorieuse dans ce concours en 1999 et en 2OOO. En outre, quelques semaines plus tard, ils réussiront un “doublé” en gagnant le titre de Champion Belge RCI chez les Bergers Belges.

2ème : quelqu’un qui a débuté dans le circuit RCI avec un boxer, mais qui, désillusionné, s’est tourné vers les bergers, Guido Bervoets avec Viola van de Berlexhoeve.

3ème Fred Cuypers avec Valentin van Joefarm, vainqueur du Grand Prix en 2001 et Champion Mondiale RCI 2002 chez les Bergers Belges.

Ces précisions ne sont pas le fruit d’une fascination soudaine, de ma part, pour le monde des Bergers belges : je les mentionne uniquement pour montrer la qualité des teams qui à un tel concours donnent acte de présence.

Le parcours de Suus et Ingmar fut tendu mais solide : ils terminèrent douzième avec un total de 256 points (92/76/88). Ironiquement, pour la première fois dans sa carrière les points du pistage étaient les plus élevés de tout l’exercice – jusqu’à ce jour les points pour la défense étaient invariablement les meilleures. Apparemment Suus était d’avis qu’il fallait éclaircir quelques malentendus à son égard et que le meilleur moment pour y arriver était celui où il écrivait de l’histoire : un certain air d’opportunisme ne lui est pas étrange.

Le soulagement après le concours égalait la performance mais la petite fête se tenait, par défaut, au milieu des gens des Bergers. Un souvenir spécial, remis par le Président, Mr.limon, au nom du Royal Boxer Club Belge fut fortement apprécié mais ne pouvait guère cacher l’indifférence des gens du boxer. Il n’est qu’une simple constatation que l’intérêt et l’appréciation fut exprimé par la S.R.S.Hl’U.C.R.S.H. et par le monde du Boxer à l’étranger. Le monde du boxer en Belgique restait muet. 

Comme toujours, le lecteur est libre à en tirer ses propres conclusions.

Je ne suis pas un “homme du travail”, pas du tout, mais par curiosité je me suis amusé à “lire” le carnet de travail d’URSU, le fameux carnet rouge.

Entre mars 99 et octobre 2002 il a participé à 13 concours RCI/SchH :
– 11 réussites et 2 échecs, chaque fois à cause d’un insuffisant en pistage.
– Des 13 concours, 10 ont été joués en classe III.
– Suus participa à 6 CAC, 2 CACIT, 2 Concours Atibox-Weltmeisterschaft et 1 Grand Prix de Belgique RCI.
– Les 13 concours ont été jugé par en total 28 juges : du Président de la Section 1C jusqu’au Responsable du travail au comité de l’Atibox.
– Les 13 concours ont été joué sur 11 terrains différents, dont seulement 1 était un terrain de boxer (Kortenaken) et aucun concours n’a été joué sur son propre terrain.
– Tous les concours réunis, les scores moyens sont de 😯 (pistage), 83 (obéissance) et 93 (défense).
– Les scores les plus élevés : 95 en pistage (le concours sur lequel il réussissait le RCI 3), 92 en obéissance (un concours CAC/CACIT) et 1OO en défense (Atibox-weltmeisterschaft).
– Il débuta sa carrière RCI à l’âge de trois ans et il entérina le Grand Prix à l’âge de six ans.

Pour un jeune mâle Boxer, irritant et dominateur, impossible à tenir en famille et qui par conséquent devait quitter la maison de son “éleveur familial” à l’âge de six mois : ce n’est pas mal.

D’autant plus si on tient compte du fait que Suus ne pouvait pas profiter du privilège, commun à la plupart des chiens de compétition : avoir un conducteur qui s’occupe uniquement de lui. Au contraireSon conducteur est avant tout éleveur de Boxer. A côté de son travail quotidien dans le chenil et la pension, il entraîne des Boxers appartenant à d’autres propriétaires. Il est homme d’attaque dans plusieurs clubs RCI et il doit gérer son propre modeste club RCI. Comme si ce n’était pas suffisant il organise des stages d’éducation canine positive et il présente des Boxers sur les expositions les plus importantes en Europe (comme par exemple Daniella d’Jandilla vers son titre d’Atiboxsiegerin à Wroclaw et son titre de Championne Mondiale à Amsterdam).

En plus, il se bat sans cesse pour l’intégrité de sa race, à l’étranger aussi bien qu’au sein du Royal Boxer Club Belge.

Bien sûr, il est inévitable qu’il se fasse plus d’ ennemis de ce qui est encore bon pour la santé : Ingmar vient d’être accuser récemment de cruauté envers les animaux parce qu’il a exposé à une exposition belge une jeune femelle boxer aux oreilles coupées.

Sans aucun doute, ce sont des gens sublimes qui ont eu le courage de formuler cette accusation : je ne sais attendre d’admirer la longue liste de leurs mérites au niveau de la race.

Je ne se sais pas si je commets une indiscrétion, mais, à titre d’information pour ces êtres angéliques, il faut que je le dise : les entraînements de ce Boxer RCI 3, après le concours de Werchter, se composaient de deux activités. D’une part des promenades folâtre sur les plages désertes de notre côte et d’autre part l’apprentissage à l’aide de la méthode clicker de …dog dancing. Ils ont fait d’ailleurs pas mal de progrès. Qui sait… .

Johan Sioen